HISTOIRE DES FAITS ÉCONOMIQUES

contemporains

De la révolution industrielle à la Deuxième Guerre mondiale

Industrialisation et sociétés dans le monde au XIXe et au début du XXe siècle

1815-1945

 

 

 

 

 

 

 

 

Sommaire 

 

         Introduction

 

         Chapitre 1 : La suprématie économique de la Grande Bretagne

 

         Chapitre 2 : L'industrialisation du continent

 

         Chapitre 3 : L'évolution du capitalisme industriel

 

         Chapitre 4 : La mondialisation du XIXe siècle

 

         Chapitre 5 : Les mutations sociales

 

         Chapitre 6 : L'impérialisme

 

         Chapitre 7 : La diffusion du modèle industriel à travers le monde

 

         Chapitre 8 : Les deux guerres mondiales et la crise de 1929

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

INTRODUCTION

 

 

 

Rappels d'histoire politique

 

La Révolution française

 

1789-1792 MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE

 

1792-1799 IÈRE RÉPUBLIQUE

 

1799-1815 ÉPOQUE NAPOLÉONIENNE

 

18 BRUMAIRE (9 NOVEMBRE 1799)  CONSULAT 1799-1804

1804-1814 IER EMPIRE

IÈRE RESTAURATION (1814) LOUIS XVIII

CENT JOURS  : EMPIRE DE NAPOLÉON,  WATERLOO

1815 IIÈME RESTAURATION DES BOURBONS

 

 

 

 

 

 

Le XIXe siècle et le XXe siècle

 

1815-1830  RESTAURATION DES BOURBONS, MONARCHIE ABSOLUE

LOUIS XVIII 1815-1824

CHARLES X  1824-1830

 

 

1830 RÉVOLUTION DE JUILLET

MONARCHIE DE JUILLET  1830-1848

LOUIS-PHILIPPE IER

MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE

 

GUIZOT

"ENRICHISSEZ-VOUS !"

LIBÉRALISME ÉCONOMIQUE

 

CRISE ÉCONOMIQUE DE 1847

 

 

RÉVOLUTION DE 1848 : IIÈME RÉPUBLIQUE 1848-1851

SUFFRAGE UNIVERSEL (AU LIEU DU SUFFRAGE CENSITAIRE)

ABOLITION DE L'ESCLAVAGE (TRAITE INTERDITE EN 1817)

(GB TRAITE : 1807, 1833)

LOIS SOCIALES : "ATELIERS NATIONAUX"

 

 

2 DÉCEMBRE 1851  SECOND EMPIRE  NAPOLÉON III (LOUIS-NAPOLÉON)

1851-1870

EXPANSION, TRANSFORMATIONS ÉCO. ET SOCIALES

LIBRE-ÉCHANGE, 1860

RÉGIME AUTORITAIRE, MODERNISATEUR

 

1870 GUERRE FRANCO-PRUSSIENNE, SEDAN

 

1870 IIIÈME RÉPUBLIQUE

 

1871  LA COMMUNE DE PARIS (3 MOIS)

RÉVOLUTION SOCIALE, RÉVOLUTION COMMUNISTE

VERSAILLAIS ET COMMUNARDS

 

 

1871-1940 TROISIÈME RÉPUBLIQUE

 

1939-1940  ÉTAT FRANçAIS, RÉGIME DE VICHY, PÉTAIN

1940-1944

 

IVE RÉPUBLIQUE  1946-1958

 

 

VE RÉPUBLIQUE 1958-...

 

 

1815-1830

 

1830-1848

 

1848  "PRINTEMPS DES PEUPLES"

 

1848-1851

 

1851-1870

 

1871

 

1870-1940

 

1940-1944

 

 

Aspects généraux de l'industrialisation au XIXe siècle

 

Diffusion des techniques

 

Liberté de circulation des capitaux

 

Paix  1815 à 1914  :  1854 Crimée, 1861 Mexique (Maximilien), 1861-1865, guerre de Sécession, 1866, Sadowa, 1870, F/Prusse

 

 

Libération des échanges : protectionnisme (mercantilisme) au libéralisme (libre-échange) : 1846, 1860 - 1890, expansion du CI > croissance économique, interdépendance croissante, taux d'ouverture (X/Y) en hausse

 

 

 

 

Domination, colonialisme, impérialisme   1900  (1905)

Corée, Russie, Japon, Tsushima

 

 

Entreprises :

Taille, petites unités de production, grandes unités de production (techniques)

Réseaux, techniques de réseaux : chemin de fer, télégraphe, téléphone, etc..

Externalités (infrastructures)

Concentration (1880-1914) : États-Unis

Rockefeller, Standard Oil of New Jersey, General Motors

 

Sciences et entreprise, laboratoires de recherche

Inventeur isolé, recherche scientifique (IIème révolution industrielle)

 

 

 

   Les principaux aspects du nouveau mode de production industriel mis en place au XIXe siècle résident dans

 

 le changement général d'échelle (importance des investissements en capital fixe, production de masse, fabrication en série, pièces interchangeables),

 

 

 le développement des technologies en réseau (chemins de fer, télégraphe, canalisations, puis électricité et téléphone),

 

 

 les effets externes (externalités positives comme la facilité des transports et communications, et négatives comme la pollution),

 

 la recherche scientifique systématique en équipes et l'influence croissante de la science pure dans les inventions et innovations.

 



 

Chapitre 1  La suprématie économique de la Grande-Bretagne au XIXe siècle

 

 

 

Sommaire

 

Introduction..........................................................................

1. La dépression de l'après-guerre (après 1815)

2. Le second souffle de la révolution industrielle

3. La difficile adaptation de l'Angleterre à la fin du siècle

 

 

 

HISTOIRE DES FAITS ÉCONOMIQUES TOME 2 ARMAND COLIN, 1998

1815 à 1914

 

 

Introduction

 

Mécanisation, Cotonnades, baisse générale des prix

Métiers à filer, métiers à tisser

Exportations de textiles, domination du marché mondial

 

Prix

 

 

Débat économique : l'école classique Ricardo, Mill, Malthus

Effets de la mécanisation, machines

Economie politique : mécanisation et chômage

 

Ricardo

 

 

 

 

Factory system, primauté de l'industrie (1830)

 

 

 

Poussée démographique, migrations internes, internationales

taux de croissance démographique : 1,5 % 1800-1830 (transition démographique)

Exode rural, émigration (colonies de peuplement)

 

 

 

 

Commerce extérieur : exportations vers l'Amérique

x 1,5 Europe 1820-1840

x 7   Amérique, Asie

1830   45 % production industrielle (33 % en 1780)

 

 

Phases de l'évolution économique

1815-1830  dépression

1830-1870  expansion  (chemins de fer, acier)

1870-1895  dépression

1895-1914 expansion, innovations de la IIème révol. ind.

 

 

 

Institutions

Stabilité, alternance des partis politiques

Conservateur (tory) : aristocratie, propriétaires terriens, Corn Laws

Libéral (whig) : industriels, libéraux, libre-échange, baisse du prix du blé

 

Classe ouvrière : Parti du travail, parti travailliste, Labour party

Conservateurs/Travaillistes

 

 

Tableau 2

L'alternance au pouvoir : conservateurs (tories) - libéraux (whigs) au XIXe siècle, et conservateurs - travaillistes au début XXe

 

 

dates

Premier ministre

Parti

 

1801-1804

Addington

conservateur

 

1804-1806

Pitt

conservateur

 

1806-1812

Grenville, Portland, Perceval

conservateur

 

1812-1827

Liverpool

conservateur

 

1827-1830

Canning, Goderich, Wellington

conservateur

 

1830-1834

Grey

libéral

 

1834-1835

Peel

conservateur

 

1835-1841

Melbourne

libéral

 

1841-1846

Peel

conservateur

 

1846-1852

Russell

libéral

 

1852-1855

Derby, Aberdeen

conservateur

 

1855-1858

Palmerston

libéral

 

1858-1859

Derby

conservateur

 

1859-1865

Palmerston

libéral

 

1865-1866

Russell

libéral

 

1866-1868

Derby

conservateur

 

1868

Disraeli

conservateur

 

1868-1874

Gladstone

libéral

 

1874-1880

Disraeli

conservateur

 

1880-1885

Gladstone

libéral

 

1885

Salisbury

conservateur

 

1886

Gladstone

libéral

 

1886-1892

Salisbury

conservateur

 

1892-1894

Gladstone

libéral

 

1894-1895

Rosebery

libéral

 

1895-1902

Salisbury

conservateur

 

1902-1906

Balfour

conservateur

 

1906-1908

Campbell-Bannerman

libéral

 

1908-1916

Asquith

libéral

 

1916-1922

Lloyd-George

libéral

 

1922-1923

Law

conservateur

 

1923-1924

Baldwin

conservateur

 

1924

MacDonald

travailliste

 

1924-1929

Baldwin

conservateur

 

1929-1935

MacDonald

travailliste

 

1935-1937

Baldwin

conservateur

 

1937-1940

Chamberlain

conservateur

 

1940-1945

Churchill

conservateur

 

 

 

1. La dépression de l'après-guerre : 1815-1830

 

 

 

1.1. Les conséquences des guerres avec la France (1792-1815)

 

Difficultés économiques, 1808  Blocus continental, 1812 : guerre avec les États-Unis

 

Révoltes luddites, 1811-1816

John Ludd (LUDDISME), contre les machines textiles

 

 

Paix et victoire militaire, 1815

Dépression économique : 1815 - 1830

 

Protectionnisme du continent, tradition mercantiliste, protection "éducatrice"

 

 

Crise agricole, 1815-1816

 

 

Crise de reconversion de l'économie, économie de guerre (plus de vingt ans) à économie de paix

150 000 hommes

 

Economie industrielle capitaliste : Première crise industrielle capitaliste, 1825

Crise régulière, 7-10 ans, crises cycliques

 

 

1.2. L'essoufflement de la première révolution industrielle

 

 

 

Prix du blé

Salaires ouvriers, loi du salaire naturel, loi d'airain des salaires (F. Lassalle)

 

 

 

Tableau 3 Prix du quarter de blé

 

 

1780-90

1795

1801

1812

1817-18

1822-28

1846-52

 

48-58 sh.

90 sh.

119 sh.

126 sh.

86 sh.

40-60 sh.

52-38

 

Source : R. Marx, 1992

 

 

Graphique 1 : Prix du blé, Corn Laws et techniques de transport

Source : The Economist, 25/3/1989 ; Harley, 1994

 

 

 

Revendications des entrepreneurs avant 1846

Niveau de prix trop élevé, salaires et profits

 

Liens entre importations et exportations

Importations de blé taxées (droits de douane)

Coûts de production élevés, prix élevés

Exportations pénalisées

 

Abolir les droits de douane sur le blé importé (Abolition des Corn Laws)

Baisses de prix, baisses de salaires, hausses de profit, expansion des exportations

 

 

Débouchés extérieurs

Importations britanniques (droits de douane élevés)

Exportations des pays voisins

Recettes en devises, or, argent

Réduction des débouchés pour les industriels britanniques

 

 

1846 Libre échange

 

 

 

Évolution des prix du blé après 1846

 

Rôle des innovations techniques (rail, steamers) dans la hausse des importations et la baisse des prix

Etats-Unis, prairie

 

Taxes, Innovations techniques, Spécialisation (GB : spéc. industrie, sacrifice de l'agriculture)

 

 

Baisse des prix des céréales :

 

Baisse de la rente (revenus des propriétaires terriens, baisse des prix)

Hausse des profits des entrepreneurs industriels

Baisse des salaires (salaire naturel) : baisse nominale (baisse des prix), salaires réels des ouvriers à la hausse (après 1830)

 

 

 

 

 

 

 

EFFETS DES IMPORTATIONS DE CÉRÉALES AMÉRICAINES BON MARCHÉ :


 

 

 

 

Graphique 2 : L'effet des céréales bon marché en Europe

N, nourriture : production locale (L, T) et importations

M, manufactures : production locale (L, K) et exportations

Dn : Demande de travail agricole (axe On)

Dm : Demande de travail industriel (axe Om)

OnOm : quantité de travail totale (dotation en facteur L), mobile entre N et M

1) A : équilibre avant l'arrivée des céréales bon marché (USA, Russie)

OnLo : L dans l'agriculture

OmLo : L dans l'industrie

wo : salaire d'équilibre

2) Invasion des grains américains et russes, à la fin du XIXe siècle, du fait des innovations dans les transports, et chute du prix des céréales en Europe occidentale.

Nouvel équilibre en B, par la baisse de la demande de travail agricole à D'n

OnL1 : emploi agricole, plus faible

OmL1 : emploi industriel, plus important

L'industrie progresse, l'exode rural s'accélère

w1 : salaire nominal plus faible

 

Résultats :

— hausse des profits industriels par la baisse des salaires

— baisse des revenus des propriétaires terriens (rente) du fait de la baisse des prix agricoles

— hausse des salaires réels (les prix agricoles baissent plus que les salaires nominaux).

 

Dépression, 1815-1830

Ralentissement des investissements, facteurs techniques

Saturation, manque de débouchés

Creux technologique

 

 

 

2. Le second souffle de la révolution industrielle

 

Croissance, crises

 

Suprématie, GB "atelier du monde" ("workshop of the world")

 

1830-1870

 

GB 1/4 prod. ind., 1/3 du CI, X (cotonnades)

 

Prod. par tête de fonte  54 kg, B 24, US 16, F 12 , All. 5

 

Tableau 4 Importations de coton brut et production de fer

 

 

 

1760-1770

1800-1806

1825-1830

1850

 

Imp. de coton brut

1 500 t

24 000

76 000

267 000

 

Production de fer

20 à 26 000 t

235 000

630 000

2 250 000

 

 

2.1. Les chemins de fer et le redémarrage de l'industrie

 

Vapeur appliquée aux transports (chemins de fer,   et navires)

 

 

Industrie ferroviaire, effets d'entraînement sur les autres industries

 

 

Capital élevé, capital circulant > capital fixe, capital fixe > capital circulant

 

 

 

Grandes unités de production, petites unités de la révolution  industrielle

 

 

 

Nouvelles industries motrices : coton, industries ferroviaires, ind. métallurgiques, mécaniques

 

 

 

 

 

Finance : Banques et Bourse

Wall Street (1897), industries ferroviaires

Dow Jones, 1884

 

 

 

Sociétés privées, pas de régulation étatique

écartements différents, « market failure »

Terminaux (13 gares)

 

 

 

 

 

   Les étapes du développement des chemins de fer peuvent être retracées comme suit :

 

1801 : premier essai d'une machine à vapeur tirant des wagons, au pays de Galles, par Richard Trevithick  qui met au point une machine à vapeur à haute pression, dès que le brevet du condensateur de Watt tombe dans le domaine public (1800). La locomotive est présentée comme une attraction de foire plus qu'un moyen de transport ayant un quelconque avenir.

 

 

 

 

1814 : première locomotive de George Stephenson (1781-1848), la Rapid, dans les mines de Killingsworth où il est chef-mécanicien.

 

1825 : la ligne Stockton -Darlington   de 39 km est mise en service par Stephenson. C'est une des premières, mais environ 500 km sont réalisés dans le pays à la fin de l'année ; la vitesse atteinte est de 20 km/h.

 

1829 : la Rocket des Stephenson père et fils atteint 47 km/h, gagne le concours de Rainhill, et va équiper la ligne Liverpool-Manchester  ouverte en 1830.

 L'afflux de passagers surprend les constructeurs : 400 000 dès la première année d'exploitation. Ce succès ouvre les vannes à la course des investissements qui vont suivre jusqu'en 1850.

 

 Chaque compagnie cherche à relier à Londres les cités les plus peuplées, et celles-ci entre elles, et donc à mettre naturellement en place les lignes les plus rentables : Great Western (Londres-Bristol), South Eastern (Londres-Douvres), Grand Junction (Manchester-Birmingham), Eastern Counties (Londres-Norwich), London & Birmingham, Midland (Leeds-Birmingham).

 

1847 : rencontre à Gloucester du Great Western et du Midland qui ont des écartements de voies différents. Le problème ne sera réglé qu'en 1892 avec le ralliement du Great Western à l'écartement étroit.

 

Concurrence : transports par la route (diligences), par canaux.

 

 

 

Tableau 5 Longueur du réseau ferré en km

 

 

 

1840

1910

 

Grande-Bretagne

2 390

  32 184

 

France

  410

  40 484

 

Allemagne

  469

  61 209

 

Russie

    27

  66 581

 

États-Unis

4 510

410 475

 

 

 

Autres innovations : rails (bois, fonte, fer, acier),

 

animaux, locomotive,

chemin de fer (1725), locomotive

 

 forme du rail (L sur les rails, L inversé sur les roues).

Stephenson

 

 

 

 

 

 

Effets industrialisants : demande de produits industriels divers

x3 prod. sidérurgique, 15 Mt charbon 1830 à 49 Mt en 1849

 

Création d'emplois : directs 300 000 personnes 1847, indirects ?

 

Investissement : 50 % de I, 5 à 7 % du RN

 

 

 

   Les effets économiques du chemin de fer sont bien connus. On peut les résumer selon la liste suivante :

 

effets industrialisants évoqués ci-dessus, bien que dans le cas de l'Angleterre, si les chemins de fer ont eu des effets moteurs, ils n'ont pas industrialisé le pays, qui était déjà en cours d'industrialisation ;

 

 

 

• effets de renforcement des échanges nationaux et internationaux, et donc de la spécialisation ;

 

Production agricole

 

 

 

 

• baisse générale des coûts du transport, favorable à une hausse des profits, des investissements et de la croissance économique ;

 

 

 

 

 

urbanisation accélérée (certaines villes — nœuds ferroviaires — ont été véritablement créées par le chemin de fer) ;

 

 

 

• développement des banques, des bourses et des opérations financières ;

 

 

 

 

• intervention accrue de l'État dans la vie économique.

GB, France, Allemagne, Russie, etc.

 

 

 

 

   Mais il y a aussi des effets géopolitiques considérables : la mise en valeur des grands espaces continentaux.

 

Transports maritimes, nations maritimes/nations continentales

 

ex. Grèce antique/Perse

 

ex. GB/France au XVIIIe

 

 

  Aux XIXe et XXe siècles, grâce au chemin de fer, l'avantage passe aux grands pays continentaux comme la Russie, la Chine ou les États-Unis qui deviennent les nouvelles super-puissances : la distance n'est plus un handicap et l'espace devient une force.

 

 

 

 

 

 

 

Chemin de fer : Invention et innovation majeure, macro-invention

 

Limite supérieure de la vitesse des transports : 15 km/h depuis des millénaires

 

1829

 

 

 

 

 

NAVIGATION

 

1807 FULTON

1838 ATLANTIQUE

1843 HÉLICE  (F. Sauvage)

1850 COQUES METALLIQUES

 

 

 

 

 

Tableau 6

Cargaison transportée au Royaume-Uni en milliers de tonnes et %

 

 

 

Tonnage total mt

Voiliers

Navires à vapeur

 

1840-1849

  3232

   96 %

    4 %

 

1910-1919

11513

  7

93 %

 

 

 

 

 

 

 

Régularité, plus que vitesse et économie

 

 

 

 

Même avantage que l'énergie fossile/énergies naturelles (eau)

 

 

 

 

Travail de nuit (énergies naturelles), législation sociale (XIXe)

 

 

 

 

 

MACHINE À VAPEUR

 

 

Exemple du Titanic (1912) : technologie finissante (VAPEUR), technologie émergente (RADIO)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Autres aspects de l'évolution technique : « l'âge de l'acier »

 

 

   Dans le domaine des industries textiles, les métiers automatiques (self-acting), à filer (mules) et à tisser (looms), conçus entre 1825 et 1830 par Richard Roberts, constituent un aboutissement de la mécanisation entamée au XVIIIe siècle.

 

 

 

 

   Le secteur des machines-outils prend une ampleur considérable avec une série d'inventions comme le marteau-pilon à vapeur, fabriqué par James Nasmyth en 1839 et F. Bourdon en France en 1840, et toute une variété de machines élaborées par l'Anglais Joseph Whitworth qui transforment le travail des ouvriers : fileteuses, perceuses, raboteuses, emboutisseuses, etc.

Whitworth est à l'origine de la standardisation des pièces et de la production de masse dans l'industrie mécanique.

 

SYSTEME AMERICAIN DE PRODUCTION

 

 

 

 L'agriculture bénéficie de ces innovations avec le développement et la diffusion de machines agricoles sur une grande échelle après les premiers pas de la révolution industrielle. Les moissonneuses-lieuses-batteuses à vapeur se répandent après que le constructeur américain Cyrus McCormick les expose à la première Exposition universelle de1851.

 

MINERAI DE FER, FONTE, FER, ACIER

 

 

   Dans la sidérurgie, on entre dans l'ère de l'acier abondant et bon marché, « l'âge de l'acier »; qui commence dans la seconde moitié du XIXe siècle. On va alors remplacer progressivement nombre de matériaux en fer ou en fonte par de l'acier  —  à commencer par les rails dont la durée de vie passe de deux à dix ans et la charge maximum de 8 à 70 tonnes, mais aussi les charpentes, les coques des bateaux, les outils et les machines  —  ce qui provoque une explosion de la demande et une relance des investissements dans toute l'Europe.

 

 La production d'acier y est multipliée par 100 : elle passe de 1/2 Mt en 1865 à 50 Mt au début du XXe siècle.

 

 

 

 

 

   La première innovation majeure est le procédé de Henry Bessemer mis au point à Sheffield en 1856.

 

 

CONVERTISSEUR BESSEMER

 

 

Il consiste à injecter de l'air comprimé dans une énorme "cornue" métallique inclinable, ou convertisseur, contenant la fonte en fusion. L'air en se mélangeant au carbone y crée une température extrêmement élevée permettant d'obtenir l'acier, c'est-à-dire l'alliage fer-carbone, selon la proportion recherchée.

 

 

 

 

 

 

 Le convertisseur, de 2 à 5 tonnes de capacité au début, passera à 25 tonnes à la fin du siècle. La baisse des coûts (le prix de l'acier se rapproche de celui du fer : 7£ la tonne contre 4£), la rapidité du processus et l'accroissement des quantités obtenues sont telles qu'on peut véritablement parler d'"un tournant dans l'histoire techniques".

 

 

 

 

 

 

 

 

                        Procédés antérieurs                Procédé Bessemer

Durée                             10 jours                                  30'

Capacité                         18-22,5 kg                              5 à 10 t

Coût                               1500 F/t                                  150 F/t                            

 

BESSEMER, 1856

 

SIEMENS-MARTIN

 

GILCHRIST-THOMAS

 

 

 

 

 

— La technique anglo-germano-française du four ouvert Siemens-Martin de 1864 est plus lente, six à dix-huit heures au lieu de 30 minutes, mais se révéla plus économique que le procédé Bessemer car elle pouvait utiliser du fer de récupération et des charbons de médiocre qualité.

 Le four Siemens-Martin finira par supplanter le convertisseur Bessemer en Grande-Bretagne dans les années 1890.

 

 

— Enfin le procédé dit basique des cousins gallois Gilchrist, Percy Gilchrist et Sidney Gilchrist Thomas, fut le premier en 1878 à pouvoir utiliser des minerais phosphoreux. Ces rebuts furent ensuite utilisés comme engrais.

 

Les gisements de fer phosphoreux en France (la minette de Lorraine) purent alors être exploités.

 

BRIEY (NANCY)

 

NB Alsace-Lorraine, 1870-1914

 

 

1870   1/3 DE LA LORRAINE (METZ)

           2/3                               (NANCY)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Les trois principaux procédés vont coexister en fonction des caractéristiques des minerais et des usages de l'acier à travers l'Europe. Ils entraînent une baisse des coûts de 80 à 90% entre les années 1860 et 1890.

À la veille de la Première Guerre mondiale, on a les pourcentages suivants pour les fours Siemens-Martin dans la production d'acier : 79% en Angleterre, 40% en Allemagne et 34% en France.

 

 

 

2.2. Le libre-échange et la grande prospérité victorienne

 

   Victoria Ière (1837-1901) monte sur le trône à 18 ans, son règne sera comparable en durée à celui de Louis XIV (72 ans) ou de son contemporain François-Joseph Ier, empereur d'Autriche (68 ans).

 

 Apogée politique, économique et culturelle de l'Angleterre, entre 1850 et 1875.  Cette suprématie industrielle, maritime et commerciale explique la formule de l'époque : « England first and the rest nowhere ».

 

La production de fonte atteint 6 millions de tonnes en 1870, c'est-à-dire un peu plus de la moitié de la production mondiale.

 

Le pays produit les trois quarts des navires lancés dans le monde, en partie exportés, chiffre qui atteindra un pic de 80% dans les années 1880.

 

Le quart du commerce international passe par les ports britanniques.

 

La croissance économique culmine pendant ces deux décennies à 2,5% par an en moyenne, au dessus du trend séculaire de 2%.

 

Enfin les structures économiques évoluent vers les caractéristiques des sociétés développées actuelles (tableau 7).

 

Tableau 7 Structure du produit national et de la population active ( ), en %

 

Agriculture, foresterie, pêches

Industrie, mines, construction

Services

1801

34 (36)

28 (30)

38 (34)

1901

 6 ( 9)

37 (46)

57 (45)

 

 

   La population de l'Angleterre est en plein essor depuis le début du siècle, de 10 millions en 1811 elle atteint 17 millions en 1851

 

(12 à 21 millions pour la Grande-Bretagne et 18 à 27 pour le Royaume-Uni).

 

RU : GB + IRLANDE

 

GB : ANGLETERRE + ECOSSE + PAYS DE GALLES

 

ANGLETERRE

 

 

 

 

 La population urbaine dépasse la moitié du total et le pays compte plus de cinquante villes d'au moins 20 000 habitants.

 

 

 

 

   La période doit en partie sa prospérité à des découvertes d'or en Californie (1849) et en Australie (1851) qui permettent une remontée des prix entre 1851 et 1873, dans un siècle où ils sont dans l'ensemble orientés à la baisse.

 

 La production annuelle d'or vers 1860 est multipliée par soixante par rapport à la fin du siècle précédent (1799).

 

 

 

 

 

 

 

   L'orientation des échanges vers le grand large continue à se renforcer :

 

l'Amérique du Nord fournit ainsi 21% des importations britanniques en 1832 (Caron, 1978), mais 36% en 1843 (coton, tabac).

 

 

AXE COMMERCIAL : AXE NORD-ATLANTIQUE, AXE LIVERPOOL-BOSTON

 

VOIE DE LA PROSPÉRITÉ MONDIALE XIXE ET XXE

 

 

   L'Angleterre maintient sa spécialisation industrielle, avec des exportations de produits manufacturés qui représentent en 1880 près de 40% du total mondial et encore un quart en 1913.

 

 

 

 

 

 

Entre 1821 et 1873, les exportations par tête augmentent en volume au rythme de 4,4% par an, soit quatre fois plus que le revenu par habitant.

 

Plus de 80% des produits de coton fabriqués dans le pays, la moitié de la production sidérurgique et le tiers du charbon extrait, sont exportés.

 

 

 

 

 

Tableau 8  Composition des exportations, en %

 

 

charbon

Prod. manuf.

prod. métall.

textiles

 

1830

1

91

11

67

 

1870

3

91

21

56

 

1913

10

79

27

34

 

 

   Les importations sont composées aux trois quarts de nourriture et de matières premières.

 

La Grande-Bretagne dépend de l'étranger et des colonies, en 1913, pour 80% de sa consommation de blé, 45% de sa consommation de viande et de produits laitiers, 100% bien sûr de son coton, mais aussi 80% de sa laine brute.

 

 Le commerce extérieur représente 12 % du revenu national vers 1815, mais 30 % un siècle après.

 

 

 

   La balance commerciale est déficitaire tout au long du XIXe siècle, mais la balance des paiements courants est excédentaire grâce aux ventes de services et aux revenus des placements, et la Grande-Bretagne reste donc exportatrice de capitaux sur toute la période.

 

BALANCE COMMERCIALE < 0   (X, M)

 

BALANCE DES SERVICES (TRANSPORTS, SERVICES FINANCIERS, ASSURANCES, REVENUS DE CAPITAUX, ETC.) > 0

 

BALANCE DES PAIEMENTS COURANTS > 0

________________________________________________

 

BALANCE DES CAPITAUX (EMPRUNTS, PRÊTS, INVESTISSEMENTS, MOUVEMENTS MONÉTAIRES)  < 0

 

SORTIE DE CAPITAUX (PLACEMENTS À L'ÉTRANGER) > ENTRÉE DE CAPITAUX (PLACEMENTS DE L'ÉTRANGER EN GB)

 

BALANCE DES PAIEMENTS = 0

 

 

 

ENTRÉE DANS LE LIBRE-ÉCHANGE (1846) :

 

   Malgré les théories des classiques,  le protectionnisme reste la norme dans les premières décennies du siècle.

 

— Les actes de navigation (XVIIe) sont en vigueur jusqu'en 1849 ;

 

— Les ouvriers qualifiés anglais ne sont pas autorisés à travailler à l'étranger jusqu'en 1825 ;

 

— Les exportations de machines sont interdites jusqu'en 1843 ;

 

— Les Corn Laws sont renforcées en 1815 : aucune importation de blé n'était autorisée si le prix descendait au dessous de 80 shillings le quarter (l'importation était libre au dessus) ;

 

— Les droits de douane sur les produits manufacturés sont en moyenne de 37,5 % depuis 1809 ;

 

— Les importations de soieries sont interdites ;

 

— L'Income Tax (l'impôt sur le revenu), instituée pendant les guerres, est supprimée en 1816, alors qu'elle fournissait environ 20% des recettes de l'État. Les droits de douane sont donc essentiels avec plus de 40% des recettes du budget national vers 1820-1830.

 

Leur suppression plus tard imposera de trouver d'autres sources, ce qui impliquera une réforme générale de la fiscalité.

 

 

 

 

 

   La campagne contre les Corn Laws et pour le libre-échange prend l'aspect d'une croisade qui est dirigée par les libéraux autour de Jeremy Bentham et les industriels de Manchester autour de Richard Cobden et John Bright, contre le Parlement qui défend les droits sur le blé parce que les propriétaires terriens soutenus par le parti conservateur y sont majoritaires (en 1846, 80% des MP sont des landowners).

 

LIBERAUX MANCHESTERIENS

 

 

LIBRE-ÉCHANGE, 1846 ABOLITION DES CORN LAWS

 

 

L'analyse libérale des Manchesteriens forme un courant de l'économie, la Manchester School of Economics. Les libéraux convainquent peu à peu l'opinion publique des bienfaits à attendre du libre-échange : la paix et la prospérité.

 

 L'idée se répand de plus en plus que les niveaux de vie et les emplois industriels dépendent largement du commerce international, que le libre-échange conduira à des salaires réels plus élevés et des créations d'emplois.

 

 

 

 Les droits sur le blé sont impopulaires et il n'y a pas que les économistes libéraux et les industriels qui militent contre eux, mais aussi tous les réformateurs démocrates hostiles aux landlords, ainsi que les mouvements ouvriers.

 

 

 

 

 

 Les pauvres consomment relativement à leurs ressources plus de nourriture que les riches et le maintien de droits élevés les pénalise davantage en réduisant leur pouvoir d'achat.

 

 

 

 

 

   La réforme électorale de 1832, en élargissant le vote aux catégories urbaines, renforce les partisans du libre-échange à la chambre des Communes.

 

 

   Les intérêts des propriétaires terriens et des fermiers vont être finalement sacrifiés à ceux des industriels et des consommateurs,

 

 et les années 1840-1850 voient l'avènement d'un libre-échange unilatéral, c'est-à-dire décidé par la seule Grande-Bretagne sans chercher à obtenir des mesures réciproques de ses partenaires commerciaux.

 

1842 : Le chef du parti conservateur, Robert Peel, réintroduit l'impôt sur le revenu, ce qui permet d'abaisser les tarifs et particulièrement les droits sur le blé. Il agit contre la majorité de son propre parti, favorable aux propriétaires, parce qu'il considère les taxes sur la nourriture comme "à la fois moralement injustes et politiquement intenables à long terme ".

 

1845 : abandon du "privilège impérial" dont bénéficiaient les colonies à l'importation ; suppression des droits de douane sur 450 articles et réduction sur les autres ; suppression des taxes sur les exportations.

 

1846 : Abrogation des Corn Laws, en fait une réduction considérable des droits sur le blé ; il s'agit comme on l'a vu d'une mesure attendue et populaire qui va conforter dans l'opinion le régime politique, toujours largement dominé par l'aristocratie : "une retentissante victoire des forces du libéralisme et de la réforme, et une accalmie dans le conflit ouvert entre riches et pauvres."

 

1849 : Suppression des actes de navigation et nouvelle baisse des droits sur le blé ramenés à un niveau symbolique ;

 

1853 : Gladstone et le parti libéral poursuivent la réforme fiscale (instauration des droits de succession, hausse de l'impôt sur le revenu et des taxes indirectes), ce qui permettra de réduire un peu plus les tarifs.

 

1854 : les navires étrangers sont autorisés à faire du cabotage sur les côtes britanniques.

 

1860 : Gladstone et Cobden parachèvent le démantèlement du protectionnisme en signant un traité de libre-échange avec la France : les droits sur 400 articles sont supprimés.

 

 Seuls restent en place des droits sur une douzaine d'articles comme le sucre, le thé, le café, les alcools, les vins et le tabac.

 

 

— En 1881 les droits restants ne représentent plus que 6% des importations contre 35% en 1841. Ils portent sur des produits tropicaux sans concurrents en Angleterre et ont donc des raisons fiscales et non de protection.

 

Les recettes douanières passent de 46% des recettes fiscales en 1840 à 25% en 1880.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   La liberté accrue des échanges permet de réduire les coûts salariaux pour les firmes, grâce au pain bon marché, et donc d'accroître leurs profits, les possibilités d'investissement et la croissance.

 

Mais au delà elle autorise l'entrée de matières premières à bas prix pour l'ensemble de l'économie, ce qui entraîne aussi des réductions de prix et la conquête de nouveaux marchés à l'exportation pour les produits manufacturés britanniques.

 

On assiste également à un élargissement du marché intérieur, car la baisse des prix du blé permet de reporter en partie la demande des ménages sur les produits manufacturés.

 

 

   Le libre-échange entraîne toute une série d'effets favorables liés à la concurrence internationale et à la répartition des ressources entre les nations. John Stuart Mill en 1848

 

 distingue les avantages directs qui résultent de la spécialisation internationale accrue (meilleure allocation des ressources selon le principe des avantages comparatifs),

 

et les avantages indirects, tout aussi importants :

 

économies d'échelle grâce à l'élargissement du marché ;

 

— baisse des prix, amélioration de la qualité, recherche de l'innovation, par la concurrence ;

 

diffusion des techniques et des connaissances entre les nations ;

 

— circulation accrue des capitaux qui suivent les échanges de biens et services ;

 

— coopération et interdépendance entre les peuples, gages d'une paix durable : le commerce ne signifie plus la guerre comme les mercantilistes en étaient persuadés, mais la paix selon l'idéal libre-échangiste des manchestériens.

 

 

3. La difficile adaptation de l'Angleterre à la fin du siècle

 

3.1. L'évolution de l'économie

 

   Entre 1861 et 1911 la population du pays passe de 20 millions à 36 millions d'habitants malgré la très forte émigration vers les colonies de peuplement ou les États-Unis.

 

 

L'industrie connaît la croissance la plus forte et passe de 28% du PNB en 1801 à 37% en 1907, tandis que dans la population active totale la main d'œuvre industrielle, qui en représentait 30% en 1801, atteint 46% en 1901.

 

 

La réduction de la part du secteur primaire (agriculture, pêche, sylviculture) est spectaculaire, surtout dans la deuxième moitié du siècle.

 

 Mais c'est le commerce extérieur qui connaît l'ascension la plus rapide, de 19% du PNB en 1800 à 27% en 1850 et 51% en 1875 (X + M / Y).

 

 

 En 1850 les produits manufacturés représentent 93% des exportations britanniques et les produits primaires 93% des importations. L'Angleterre continue à exporter les trois quarts de sa production totale de cotonnades jusqu'en 1914.

 

   À la fin de la période, au début des années 1910, le pays occupe une position de rentier international, ou de prêteur évolué selon la classification néoclassique,

 

 

avec des exportations d'environ 500 millions de livres

 

 

 et des revenus d'investissements et de placements internationaux de 200 millions (correspondant à un capital à l'étranger d'environ 4 milliards)

 

 pour couvrir des importations de 600,

 

Balance courante : 100

Déficit de la balance des capitaux : 100  (le pays exporte des capitaux)

 

et donc pouvoir encore exporter des capitaux pour 100 millions de livres sterling.

 

Les recettes obtenues sur les ventes de services à l'extérieur (assurances, transport, services financiers, brevets), ainsi que les revenus de capitaux (intérêts, dividendes) compensent largement le déficit commercial.

 

 

 

 

3.2. Le retard industriel

 

 Les quelques industries géantes développées avec succès par l'Angleterre de la première révolution industrielle — textiles, charbon, sidérurgie — vont devenir dès le début du XXe siècle des sortes de dinosaures déplacés.

 

 C'est le problème des early starters qui se retrouvent avec des équipements vieillis et des coûts de production élevés, face aux nouvelles puissances passées directement aux biens de capital et aux techniques les plus modernes.

 

La Grande-Bretagne doit faire face à de nécessaires mutations industrielles qui s'avèrent coûteuses et difficiles : "il était bien plus pratique, plus facile et meilleur marché de réparer et remplacer les pièces des machines, que de les mettre au rebut et d'innover" (Mathias).

 

 Un autre aspect est l'existence d'infrastructures collectives et industrielles vieillies. Pollard en donne des exemples frappants :

 

 

 les tunnels sont trop étroits pour la construction de wagons plus spacieux,

 

 les chantiers navals trop haut en amont des fleuves pour lancer les navires de taille toujours plus élevée,

 

 

 les aciéries trop proches des logements ouvriers pour envisager leur agrandissement, etc.

 

 

 

 

Dans les domaines de l'automobile, de l'aluminium, de l'électricité (en particulier celle d'origine hydraulique, faute de relief montagneux) et de la chimie organique (celle du carbone), le pays prend du retard sur le continent.

 

 

L'Angleterre manque de compétitivité : signe de ce déclin industriel, le best-seller d'Ernest E. Williams  paru en 1896, Made in Germany, qui veut alerter les Britanniques contre la concurrence croissante des produits manufacturés allemands.

 

 En 1887, en lançant le Trade-mark, c'est-à-dire la loi (Merchandise Marks Act) qui établit le principe d'indiquer l'origine du produit (Made in...), et qui va être adoptée partout, les autorités ont tenté de freiner ces importations en faisant appel au patriotisme du consommateur.

 

 Mais la conséquence est exactement inverse : les gens achètent davantage de produits étrangers...

 

Cependant l'Angleterre restera libre-échangiste jusqu'à la crise de 1929.

 

 

 

 

 

   Les taux de croissance de la production et de la productivité déclinent à la fin du siècle. La croissance est plus faible qu'en France, qu'en Allemagne ou qu'aux États-Unis (tableau 10). En 1913, la Grande-Bretagne produit 8 millions de tonnes d'acier, l'Allemagne 13,5 et les États-Unis 31.

 

 

Les exportations augmentent également moins vite, avec la montée des nouvelles puissances industrielles et la part du pays dans le commerce mondial de produits manufacturés passe de plus d'un tiers en 1880 à un quart en 1914.

 

 

 

 

 

Tableau 10  Croissance comparée du PIB/hab.

Taux moyens annuels

 

 

RU

France

All.

Italie

Suède

USA

Japon

1873-1899

1,2%

1,3

1,5

0,3

1,5

1,9

1,1

1899-1913

0,5

1,6

1,5

2,5

2,1

1,3

1,8

1873-1973

1,2

2

2

2,4

1,9

1,8

2,6

 

 

 

Tableau 11  Répartition comparée de la population active en %

de 1860-1880 à 1910

 

Agriculture

Industrie

Services

GB

19            9

39        39

27       35

France

52          43

22        25

22       28

Allemagne

46          37

26        29

16       22

USA

59          31

18        29

20       35

 

 

 

   Le taux d'investissement sur la période 1851-1916 est en moyenne de 9% en Grande-Bretagne, contre 20% en Allemagne et en France et 22% aux États-Unis (Floud).

 

 

 

Handicaps, points forts

 

 

 

 

 Si certaines industries sont à la traîne comme le matériel électrique, la chimie, la pharmacie, l'optique, l'automobile ou l'aviation, l'Angleterre garde aussi des secteur forts.

 

 

C'est le cas des chantiers navals qui produisent les trois cinquièmes du tonnage mondial (cf. tableau 12) même si les techniques utilisées sont moins performantes que dans les pays neufs ; de l'élevage et de l'agriculture (réduite mais extrêmement productive, les moins bonnes terres ayant été abandonnées) ; de la mécanique lourde (machines à vapeur, turbines, machines textiles, locomotives, mécanique maritime) et de l'armement, avec des firmes comme Babcok & Wilcox, Platt, Vickers ou Armstrong des industries agro-alimentaires, du savon et du tabac (William Lever, Rowntree, Cadbury, Guinness, Bass...)

 

 

et des activités de service : la traditionnelle finance et assurance, mais aussi la distribution moderne avec des chaînes comme Sainsbury ou Thomas Lipton.

 

Dans certains secteurs neufs comme le pétrole (Anglo-Persian Oil Cy) ou le caoutchouc (Dunlop), les industries anglaises sont également à la pointe des techniques.

 

 

 

Tableau 12 Construction de navires en Europe (1913)

                                                        quantité   capacité

 

Royaume Uni

688

1 932 000 tonneaux

 

Allemagne

162

   465 000

 

France

  89

   176 000

 

Pays-Bas

  95

   104 000

 

 

 

 

 

Pollard interprète de façon très optimiste la supposée insuffisance des entrepreneurs britanniques comme une réorientation précoce vers des activités plus dynamiques : l'abandon volontaire et progressif de secteurs anciens (acier, fonte, etc.) aux nouvelles puissances industrielles où la main d'œuvre est meilleur marché, pour se consacrer à des produits qui correspondent à la nouvelle demande d'une classe moyenne aux revenus croissants : bicyclettes, journaux, chocolat, loisirs et autres services... Rubinstein (1993) soutient même que l'Angleterre n'a jamais été une vraie économie industrielle, mais une économie dont la force a toujours reposé sur le commerce et les services.

 

 

 

 

Conclusion

 

   Le déclin économique anglais est seulement relatif. "La Grande-Bretagne n'est plus, en 1913, la première puissance industrielle. Elle reste la première puissance commerciale... et surtout, plus que jamais, la première puissance financière" (Asselain).

 

Le recul résulte surtout de l'extension de l'industrialisation vers l'Europe continentale tout au long du XIXe siècle, qui en termes absolus a bénéficié à l'économie et aux niveaux de vie britanniques, par les effets de commerce et de diffusion des capitaux et des techniques.

 

 
 

Résumé du chapitre 1

 

   En 1815, l'économie britannique subit les contrecoups de l'épuisement des innovations de la période pionnière de la révolution industrielle, ainsi que les difficultés du retour à la paix après un quart de siècle de guerres. La dépression dure jusque dans les années 1830 avec l'arrivée d'une innovation majeure, le chemin de fer, dont les effets d'entraînement sur les autres industries sont à l'origine d'une nouvelle phase de développement. Le capital technique fixe prend une importance croissante et les capitaux considérables qui doivent être réunis pour mettre en place toutes les infrastructures nécessaires demandent de nouveaux types de statuts pour les entreprises et l'intervention des banques pour canaliser l'épargne populaire. On passe progressivement d'un capitalisme de petites unités à celui des grandes entreprises mêlées aux intérêts financiers. L'évolution technique de cette deuxième période de la révolution industrielle se caractérise également par l'entrée dans l'âge de l'acier abondant et bon marché, avec les découvertes des procédés Bessemer (1856), Siemens-Martin (1864) et Gilchrist (1878).

   L'entrée dans un libre-échange unilatéral dans les années 1840 à 1860 correspond à l'apogée de l'économie britannique : elle produit la moitié de la production mondiale de fonte, les trois-quarts des navires, exporte 40% de tous produits industriels et contrôle le quart du commerce international. La campagne des industriels du coton, les libéraux de Manchester, comme Richard Cobden et John Bright, inspirés par les idées de Ricardo, aboutit à l'abrogation des Corn Laws en 1846 par le conservateur Robert Peel. Le traité de commerce de 1860 avec la France confirme le succès et l'extension en Europe de cette politique libérale.

   À la fin du siècle et jusqu'à la Première Guerre mondiale, l'industrie anglaise connaît un déclin relatif avec la montée des nouvelles puissances comme la France, l'Allemagne, les États-Unis et la Russie impériale. Les aspects de ce recul sont la perte de compétitivité des produits britanniques, le vieillissement des équipements et les difficultés de modernisation dans les industries lourdes, le retard par rapport au continent dans les nouvelles industries nées de la deuxième révolution industrielle des années 1880-1910 (matériel électrique, automobile et chimie).

 

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